Publicado el 27/07/2023

L’intelligence artificielle, un bon heurt pour la singularité?

La science rebat les cartes, ce n’est pas nouveau.

Certes, Freud et Lacan ont eux aussi rebattu les cartes. L’invention du discours analytique, les aphorismes de Lacan tels que La femme n’existe pas ou Il n’y a pas de rapport sexuel en sont des exemples paradigmatiques qui interrogent le pré-pensé. Mais reconnaissonsle, la psychanalyse arrive bien souvent après la science, quand les cartes sont rebattues du fait des découvertes qui ouvrent de nouvelles possibilités là où il y avait, pensait-on, de l’impossible.

D’une manière générale, il est intéressant pour nous d’apprendre des autres champs. C’est ce que nous disons, voire mettons en application. Mais au fond pourquoi ?

L’une des réponses est la mise en évidence du réel. La psychanalyse met en exergue un réel, le réel du sexe, le Non Rapport Sexuel. Elle montre et démontre un irréductible du symptôme, du fantasme. Quel est le réel auquel les autres champs se frottent ? N’est-ce pas toujours un réel auquel chaque champ consacre ses recherches ? Ses questions ? Ses tentatives de réponses ? Ainsi, ce que nous pouvons apprendre des autres n’est pas tant ce qu’ils savent mais ce qu’ils ne peuvent pas savoir.

L’intelligence artificielle apprend, c’est ce que l’on nous dit. On parle même de Deep learning, d’apprentissage profond. Cet apprentissage profond peut laisser penser être sans limite, sans réel. Qu’est-ce que ChapGPT ne peut pas savoir et qui viendrait éclairer la psychanalyse sur la réponse au réel ? L’intelligence artificielle rebat-elle les cartes ? Et que peut-elle nous enseigner qui puisse nous amener à reformuler la théorie, voire la bousculer ?

En 1955 déjà, Lacan prenait en compte ce que nous appelions alors la cybernétique. Dans sa conférence du 22 juin 1955, il cherchait un axe « sur quoi quelque chose soit éclairé de la signification de l’une et de l’autre »1. Autrement dit, en quoi l’approche 1 scientifique peut nous pousser à préciser la notre.

L’axe qu’il repère est le langage. Il reste valable aujourd’hui je crois pour éclairer tant la psychanalyse que l’intelligence artificielle qui succède à la cybernétique. A cet axe je propose d’y ajouter celui de la singularité, avec cette hypothèse qu’elle a plus à voir avec le réel qu’avec le symbolique ou l’imaginaire.

Je vois deux façons de lire la singularité. La première, proche des sciences dîtes humaines, est synonyme de singulier, dans le sens de ce qui distingue, de ce qui est spécifique, particulier, voire unique. La seconde est celle des sciences dîtes exactes, plus dans le champ du réel, et qui m’a ouvert des portes nouvelles. La singularité dans ce second cas désigne aussi du particulier mais qui peut relever de l’indéfini, de l’hypothétique, de l’incertitude, ou encore d’un franchissement irrémédiable. Plutôt qu’une originalité dans la première lecture, plutôt qu’une unité singulière, la singularité aurait à voir avec un point de bascule, avec un effet sans précédent et définitif, une idée qui là aussi nous intéresse dans ce qui fait le parcours d’une analyse.

J’ajoute pour débuter que cet intérêt et cette idée pour l’intelligence artificielle tient à une petite expérience personnelle mais que je ne suis peut-être pas le seul à avoir éprouvé.

Une blessure narcissique

Comme beaucoup, je me suis intéressé à ChatGPT.

J’ai d’abord été bluffé par les possibilités du logiciel mais surtout saisi, avec des effets dépressifs, peut-être même d’angoisse. Alors que j’essaie moi-même d’apprendre, que cela me demande un travail important, un temps long, alors que j’essaie de partager ce travail, une machine vient me montrer d’une part combien mes capacités sont minimes en comparaison avec elle, d’autre part combien mon travail pourrait s’avérer vain, puisque d’un résultat bien en deçà du sien. Castration dans les deux cas, c’est l’effet dépressif, le « à quoi bon », d’autant que l’affaire ne va pas s’arranger, l’écart va se creuser. Etre affecté de ne pas être aussi performant que d’autres, c’est connu ; être affecté de ne pas être aussi performant qu’une machine, c’est peut-être nouveau. Je dis peut-être puisque Lacan en avait déjà parlé en 1955 à propos de la cybernétique fabriquant un langage « paraissant un tout petit peu nous damer le pion »2. Il employait 2 le verbe paraître, le danger étant alors peu convaincant pour lui. La question revient aujourd’hui : peut-on affirmer que la machine nous dame le pion, qu’elle deviendrait la reine se régalant des pions que nous deviendrions ?

Peut alors surgir l’angoisse, l’idée de pouvoir être réduit à un objet passif, d’être transformé soi-même en une machine possiblement gavée d’un savoir de l’Autre, l’Autre étant ChatGPT capable de répondre à tout, me rendant de ce fait muet, n’ayant rien à faire de ma spécificité, pourrait-on dire de ma singularité. Angoisse aussi du fait de la confrontation à l’absence d’espace pour le manque dans lequel je pourrais tenter d’exister puisque le développement de la machine prévoit d’aller à une vitesse faramineuse boucher ce manque, fabriquer de l’Autre de l’Autre. Qu’est-ce que dès lors j’allais pouvoir faire d’un peu intéressant, soit qui à la fois m’intéresse et qui me donne aussi au moins une petite place sur l’escabeau.

Si Chatgpt fait aussi bien que nous, à quoi servons-nous? Pourquoi nous retrouver encore dans ces colloques ? L’IA va t-elle nous infliger une 4ème blessure narcissique ? Après celle de l’inconscient, nous serions encore moins maître en notre demeure, mais cette fois non pas du fait de notre extimité, dans laquelle nous sommes quand même un peu, mais de ce qui nous est totalement extérieur puisque notre vie ne serait plus organisée seulement autour de mais par la science. Inquiétante étrangeté.

La question est valable pour chacun, soit comment faisons-nous avec les nouvelles technologies, mais je la trouve passionnante pour la psychanalyse, à la fois dans les cures mais aussi quant à la réponse que nous pouvons apporter dans les discours et l’époque. Finalement, est-ce que ce ne sont pas à chaque fois les blessures narcissiques, individuelles ou collectives qui, précisément parce qu’elles atteignent le narcissisme, poussent à la singularité? Tout au moins en donnent-elles la possibilité puisqu’elles ouvrent à la rencontre du pas-tout. D’où la question dans mon titre : l’intelligence artificielle, un bon heurt pour la singularité ?

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative, c’est la singularité comme particularité qui est mise à l’honneur. L’IA fournit du tout et de la perfection mais n’invente rien puisqu’elle produit uniquement à partir du connu, du passé. A nous de fournir du pas-tout et de l’imperfection, de l’invention. L’IA rend muet puisqu’il n’y a rien à ajouter. A nous de rendre une parole possible et singulière. C’est dans cette possibilité que la psychanalyse peut intervenir et en faire d’autant plus son éthique, peut-être même une valeur ouvrant à une prospérité différente qui ne soit pas celle de la performance. Il va être d’autant plus passionnant de tenter de dire sa propre singularité et entendre celle des autres, puisque dans la mesure où nous ne pourrons pas rivaliser avec le tout de la machine, seule l’imperfection présentera un intérêt. Peut-être que l’IA nous permettra finalement de mieux saisir l’humain qui ne se réduit pas à un symbolique inhumain, et rendre la singularité plus visible. C’est à dire que l’enjeu ne sera pas d’utiliser au mieux l’IA mais de laisser transparaître notre singularité, non pas dans le sens d’un narcissisme mais d’une singularité pas-toute.

Du singulier…

Mais finalement, dans cette perspective, dans cette bonne intention somme toute assez banale, qu’y a t-il de plus ou de différent de ce qui se dit déjà ailleurs et par d’autres ? Quand singularité et singulier sont synonymes, nous n’avons peut-être pas grand chose de plus à apporter que ne le font beaucoup de psychothérapies. La singularité comme particularité, beaucoup de psychothérapies s’en réclament, la mettent en avant dans ce qui fait aussi leur intention. Le capitalisme aussi d’ailleurs, c’est dire l’importance comme la banalité, et la perversion consistant à faire de l’universel à partir du singulier. Vous connaissez ce slogan d’une chaîne de restauration rapide : « Venez comme vous êtes », ou bien cet autre d’un fabricant de cosmétique « Parce que je le vaux bien ». Ça intéresse le parlêtre qui cherche l’unité singulière, qui cherche à couvrir la division structurale, qui espère renforcer son moi et le rendre si possible autonome. Cette singularité là, idéal de la réalisation de soi, d’épanouissement selon des normes et des valeurs, de graal à atteindre, n’a en fait rien de singulier puisqu’il s’agit de collectiviser. Aussi, en général, quand quelqu’un déverse son moi, le revendique, nous n’apprenons pas grand chose que nous ne savons déjà, nous n’apprenons pas grand chose d’une singularité. Il y a donc un risque à confondre singularité et moi fort. Nous ne pouvons évidemment pas faire de l’éthique de la singularité celle de l’ego-psychologie.

Dans « La direction de la cure et les principes de son pouvoir »3, Lacan dénonçait la dérive des analystes outre océans qui s’offraient « aux Américains pour les guider vers la happiness » avec leur concept d’égo autonome.

Il réitère sa critique en 1967, que l’on trouve dans le texte « De la psychanalyse dans ses rapports avec la réalité » : « Là-dessus, si vous entendez parler de la fonction d’un moi autonome, ne vous y trompez pas ; il ne s’agit que de celui du genre de psychanalyste qui vous attend 5ème avenue. Il vous adaptera à la réalité de son cabinet »4. Les conséquences du moi fort, c’est loin de produire du pas-tout, mais aussi loin de produire de l’autonomie. La preuve selon Lacan par Goebbels.

Il semble que Lacan ait eu l’idée que Goebbels ait pu être analysé par l’un de ces analystes de type 5ème avenue pour qu’il ajoute juste après ce même texte « L’on ne saura jamais vraiment ce que doit Hitler à la psychanalyse, sinon par l’analyste de Goebbels ». Ici, le moi fort aurait donc fabriqué non pas un sujet autonome mais un pur serviteur. Qu’est-ce que cherche un sujet qui demande un moi fort si ce n’est de s’adapter à ce qu’il suppose qu’on attend de lui et auquel il pourra répondre. Chercher à se distinguer, à être reconnu, c’est forcément en comparaison, donc en rapport avec l’Autre, si bien que le moi fort, contrairement à l’idée commune, fait plutôt un Autre fort, le renforce.

La singularité dans la cure, c’est tout autre chose, comme a pu très bien me le dire un analysant : « la cure, c’est un travail de sape, pour passer à autre chose ». Cet autre chose, ça n’est justement pas le grand Autre.

Donc la singularité pour la psychanalyse ce n’est pas le moi fort, ce n’est pas le singulier. Mais alors ?

… à la singularité

La science amène une autre lecture de la singularité qui je crois intéresse la psychanalyse et ce qui lui est spécifique. Elle n’en fait pas une affaire d’imaginaire et de symbolique qui viserait à nous distinguer aux yeux des autres ou à nous rendre unique. C’est un réel qui est en jeu.

  • La singularité dont nous parlons beaucoup actuellement est celle dîte technologique à propos de l’IA. Certains prédisent un point de rupture, soit un moment, irréversible, où l’humain sera dépassé par la machine. Ce point de rupture signerait la fin de la civilisation humaine, le passage de l’Anthropocène en quelque sorte à la Techno ou Robotcène.
  • En mathématiques, singularité est synonyme d’imprévisible, ou encore de flou. Ce n’est donc pas une particularité, ni quelque chose d’unique. C’est un point critique. Il y a par exemple une singularité autour du 0. On peut passer du négatif au positif, et réciproquement. Le changement est radical alors que le mouvement est infime, mais encore faut-il qu’il se passe. Il est remarquable que, en mathématiques, un détail, tout au moins ce qui peut sembler l’être, peut tout changer. Comment ne pas voir une ressemblance avec la cure ?
  • En physique, la singularité se signale quand les équations ne marchent pas ou plus. Il se passe quelque chose sur lequel nous n’avons pas la main, que nous ne comprenons pas. Comment là encore ne pas faire un parallèle avec la psychanalyse ?
  • En astrophysique, les trous noirs sont le paradigme de la singularité. Si on s’en tient éloignés, pas de problème. Mais le moment où on y entre, on n’en revient pas. Changement radical et définitif.

Nous avons donc un point de rupture dans tous les cas, ou l’après n’est plus jamais comme l’avant. On est bien loin du singulier. On est bien loin de la pensée, on est dans l’évènement.

Les similitudes avec l’analyse sont importantes. La cure n’est-elle pas une suite de singularités, beaucoup plus qu’une recherche du singulier ?

  • La psychanalyse elle-même d’ailleurs est née d’un point de singularité comme rupture, ce moment où c’est la parole du patient qui prend le dessus sur celle du thérapeute. C’est cette rupture fondamentale avec la relation de soin communément pensée qui donne naissance au discours analytique.
  • Ce discours, on y vient parce qu’il y a un point de rupture, au sens d’une singularité qui peut être une catastrophe dans sa vie, souvent l’irruption ou l’insupportable d’un réel qui n’obéit pas à nos tentatives d’explication. C’est donc un point où le sujet est seul, sans compagnie, au bord d’un précipice, ou d’un trou noir.
  • La singularité concerne aussi l’analyste qui utilise les points de ruptures. Non pas ceux entendus dans le sens commun et que l’on cherche à soigner, mais ceux qui changent pour permettre des franchissements qui se vérifient. L’éthique de la singularité se trouve pour nous aux prises avec un paradoxe du côté de l’analyste : il ne s’agit pas de singulariser, dans le sens de trier les dits des analysants mais au contraire de tout prendre. C’est le principe de l’écoute flottante. « Tout dans une analyse est à recueillir (…) comme si rien ne s’était d’ailleurs établi »5. L’éthique du singulier c’est de tout prendre, précisément de ne pas singulariser de son propre point de vue. C’est dans ce tout-prendre que vont se trouver les détails qui pourront faire vaciller le tout et non pas en fabriquer.
  • Et la fin de la cure n’est-elle pas elle-même une singularité, pour le coup singulière puisque jamais identique, mais aussi du fait d’un franchissement, d’un effet qui touche au réel ?

La lecture de la singularité pour la psychanalyse peut donc se rapprocher de celle de la science, avec cette différence majeure que la psychanalyse ne forclos pas le sujet.

La singularité de la psychanalyse

La singularité peut relever du symbolique, de l’imaginaire et du réel, mais nous ne nous retrouvons pas dans ce qui se dit dans les autres discours. Quel synonyme, qui ne soit pas singulier ou rupture, pourrions-nous lui donner de notre point de vue et qui corresponde à notre éthique ? La singularité pour nous n’a t-elle pas plutôt à voir avec le propre ? C’est d’ailleurs un signifiant que nous employons peut-être plus souvent que le signifiant singularité. Nous l’employons à propos du corps, qui n’est qu’imaginaire, du nom, le nom propre que nous n’avons pas, du sujet pour dire que ce qui est propre au sujet est paradoxalement ce qui se dérobe à son savoir. Ainsi, ce qui nous est propre, notre singularité, est ce que nous n’avons pas, ce qui manque.

L’analyse ne vise pas à renforcer l’imaginaire, elle vise le propre du sujet. Ce qui distingue mais qui reste en référence à l’Autre est différent de ce qui est propre et qui pourrait s’en passer. Le singulier peut venir, de surcroît je dirais, pourquoi pas, mais est-ce que cela nous intéresse s’il s’agit d’une performance ? Lacan disait qu’il n’y avait en fait pas à s’intéresser aux performances de la cybernétique, là n’était pas notre question, même si cette question se pose par ailleurs. De la même manière, il ne s’agit pas pour nous d’arriver à ce que les analysants nous bluffent, à ce qu’ils produisent des merveilles. Il s’agit d’arriver au propre dont nous ne sommes pas propriétaires. Cela implique d’en passer par ce qui n’a pas d’équivalent, ce qui est sans mesure, sans prédiction, par des points de singularité qui font butée, qui sont le symptôme, la répétition, l’angoisse, indices d’une jouissance.

Peut-on alors parler d’éthique de la singularité ? Ou plutôt d’une singularité de l’éthique ? L’IA nous confronte à un pas de choix, un faire avec, et nous invite à un pas de choix, comme nous le disons du pas de sens.

Le principe des robots conversationnels est de puiser dans l’immense bibliothèque qu’est devenu le net, de comprendre comment, avec des calculs de probabilité, les mots sont agencés, pour reproduire ce même agencement. Ainsi, ils fabriquent, selon un procédé mathématique, ce que nous pourrions appeler une chaîne de signification. Peut-être procédons-nous de la même manière quand nous apprenons à manier notre langue ; nous faisons sans cesse des calculs très rapides pour utiliser les mots, les expressions, les formules, qui permettront d’être compris de celles et ceux qui nous écoutent. Si la lalangue ne calcule pas, il faut calculer pour utiliser la langue. A première vue, nous pouvons alors penser que nous fonctionnons selon le même principe que les robots conversationnels, ou bien est-ce l’inverse.

Où se situe la différence ? Dans le fait que nous sommes affectés par le langage.

Le principe des robots conversationnels peut nous permettre de mieux saisir, de préciser, ce que nous entendons par chaîne signifiante, à différencier d’une chaîne de signification. Economie subjective dans le premier cas, qui ordonne dans le second cas.

Cela peut nous amener à distinguer la performance (au sens de l’implication du sujet) de la compétence. C’est pourquoi d’ailleurs la question de l’intelligence, de la compétence, n’intéresse pas la psychanalyse. Etonnamment, alors que nous décrions beaucoup la performance imposée dans le discours capitaliste, c’est précisément la performance du sujet qui nous intéresse, ce que nous appelons autrement l’acte.

Après tout, comme ChatGPT, nous recombinons, nous combinons un mot avec d’autres qui vont venir le compléter, étayer. Nous cherchons le mot qui va bien. La différence se trouve dans l’acte. Il n’y a pas d’acte de l’IA, pas d’intention, pas de Qu’on dise.

ChatGPT, si nous le savions probablement déjà, montre qu’un bon ou un beau texte ne prouve aucun engagement, aucune responsabilité, aucun acte. Cela peut être juste une affaire de combinaison technique, une affaire mathématique en somme. ChatGPT dévalorise l’écriture.

Le discours analytique est proposition d’un quart de tour pour sortir des réponses et entrer dans les questions. Il produit non pas de la réponse (c’est à l’analysant de répondre, dans le sens de « response », d’une responsabilité) mais de la question. De ce fait, la psychanalyse affirme qu’il y a du manque dans le savoir quand l’IA prétend tout savoir. L’IA n’affirme pas, elle formule, dans le sens où elle met en formules. C’est ainsi que peut se différencier l’énoncé comme formule, ou formulation, de l’énonciation comme affirmation où se trahit le sujet.

Nous avons l’occasion avec l’IA de redire, peut-être autrement, les spécificités, et en quoi le discours analytique fait une proposition d’autant plus nécessaire voire logique du fait du développement de l’IA.

Ces spécificités sont, entre autres, l’opposition Question/ Réponse, Enonciation/Enoncé, Signifiant/Signifié, l’effet et la nécessité de la parole, le désir de l’analyste.

ChatGPT montre que nous sommes remplaçables. Nous le savions, mais en étions-nous sûr ?

Nous sommes remplaçables sur quoi ? Sur la compétence à faire de la combinaison cognitive.

Nous sommes irremplaçables sur quoi et pourquoi ? Quelle est notre singularité ? C’est la question que nous pose l’IA. Un bon heurt à suivre !

Notas

1 J. Lacan, Le Séminaire, livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1978, p. 339.

2 Ibid., p. 146.

3 J. Lacan, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Ecrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 590.

4 J. Lacan, « De la psychanalyse dans ses rapports avec la réalité, Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 353.

5 J. Lacan, « Introduction à l’édition allemande des Ecrits », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 556.